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Au début des années 2000, les moteurs de recherche étaient discrets et la recherche internétique se faisait essentiellement en parcourant les rubriques de ce que l’on appelait des “annuaires”. Ceux de Yahoo, Lycos et AOL étaient parmi les plus utilisés.

Qu'est-ce que la folksonomie ? L'architecture de l'information anarchique Cliquez pour tweeter

Mon premier job d’alors consistait à sélectionner et classer des sites dits “persos” en vue de les intégrer aux annuaires des portails Multimania et Lycos. Le référencement était né, celui-là fut artisanal, et avec lui le métier de “référenceur”, bien éloigné de l’actuel.

Mes deux employeurs de l’époque cherchant un modèle économique viable – qu’ils ne trouveront jamais – imaginent une solution potentiellement lucrative en souhaitant faire payer les droits d’entrée de leurs annuaires aux sites “persos”. L’idée n’est pas incongrue dans le contexte d’alors bien que très éloignée des idéaux premiers de l’Internet imaginés par son créateur Tim Berners-Lee. Il n’existait pas à l’époque d’autre moyen d’être trouvé sur la toile alors “pourquoi se gêner” ? On parle de “référencement payant”.

D’un travail jusqu’alors basé sur une sélection qualitative venait s’ajouter une composante pécuniaire. Choisir un mauvais site mais qui achète sa place plutôt qu’un très bon dont le créateur ne souhaite pas payer ? Payer plus pour décrocher une pole position dans l’annuaire ? Le modèle n’était pas viable !

L’échec du référencement payant fut cuisant (ouf) et la montée en puissance rapide des moteurs de recherche – Altavista puis Google – sonnera le glas des annuaires et de leurs dédales taxinomiques devenus rapidement ingérables et très incomplets. L’internaute change alors ses habitudes de recherche et très vite pense mots-clés et association de mots.

Quelques années plus tard, après l’effondrement de la “Bulle Internet”, arrive le “Web 2.0” et son “Web social” incarné par les blogs, les wikis, le RSS, les podcasts, etc. Naissent alors les premiers réseaux sociaux comme del.icio.us : un site de social bookmarking qui permet de sauvegarder et de partager ses “marque-pages” Internet et de les classer via des mots-clés, des tags. D’autres sites proposent également ce type de classification comme Flickr ou encore YouTube ; la folksonomie est née.

Yahoo! France en janvier 2000

Qu’est-ce que la folksonomie ?

Une folksonomie est une classification collaborative basée sur une indexation effectuée par des “non-spécialistes” (source: Wikipédia). À l’inverse d’un thésaurus, les contributeurs d’une folksonomie ne sont pas contraints à une terminologie prédéfinie et peuvent adopter les termes qu’ils souhaitent pour classifier leurs ressources.

Le site Internet Thesaurus-REX souligne très justement l’esprit de la folksonomie : “On est bien loin des volontés d’universalité des thésaurus et des langages documentaires. Chaque personne organise ses tags de la manière qu’elle le souhaite (…) Elle peut toucher tous les domaines sans relation sémantique et hiérarchique.” (Source).

Le terme folksonomie a été créé par l’architecte de l’information Thomas Vander Wal (folksonomy en anglais). Il s’agit d’un mot-valise combinant les mots “folk” (le peuple, les gens) et “taxonomy” (la taxonomie). Vanter Wal différencie deux types de folksonomie : une dite étroite et une dite générale.

La première est privée, c’est le principe des favoris des navigateurs que l’on nomme et indexe.

La seconde quant à elle, la “folksonomie générale”, a pour but de partager l’information. Elle s’insère dans une logique collaborative en créant des communautés d’usagers s’intéressant au même sujet. Les exemples sont légion ; Technorati, un moteur de recherche pour blogs est souvent cité comme l’un des initiateurs de la folksonomie générale ; Flickr donne la possibilité à l’internaute d’étiqueter librement ses photographies ; Pinterest propose une folksonomie visuelle avec la création de Tableaux ; LinkedIn propose via des mots-clés d’identifier ses Compétences ; Twitter, Youtube, Instagram, Tumblr, Google+, tous donnent la possibilité aux internautes de soumettre tags, liens, photos, descriptions et de les classer.

Comment la folksonomie a révolutionné l’Internet

En mai 2006, Olivier le Deuff dans son article “Folksonomies, Les usagers indexent le web” s’interrogeait sur l’avenir de ce nouveau type d’indexation : “Le phénomène est-il durable ou n’est-ce qu’un effet de mode ?” (source).

La réponse ne tarde pas ; quelques semaines plus tard, Jack Dorsey, un des créateurs de Twitter, envoie son premier tweet – « Just setting up my twttr » (« Suis en train d’installer mon twttr ») – et propose le hashtag, outil folksonomique par excellence.

Ce qui pouvait sembler éphémère en 2006 est aujourd’hui établi. L’étape suivante est la généralisation des Métadonnées implicites (Implied Metadata, métadonnées générées automatiquement et traitées par des systèmes auto-apprenants) définies dans les fondamentaux du “Web Squared”, l’étape intermédiaire entre le “web 2.0” et le futur “web 3.0”.

De la grande liberté qu’offrent les systèmes folksonomiques, on dénonce souvent l’appauvrissement des recherches, des classements, pire encore, les tentatives de désinformation par astroturfing : une initiative en apparence populaire mais en réalité émanant d’un acteur souhaitant influencer l’opinion – exemple de la suspicion autour du hashtag #laissezlestravailler pendant les protestations UBER. William S. Burroughs et sa Révolution Électronique avait vu juste !

Néanmoins grâce à cet étiquetage personnel, les internautes partagent librement leurs centres d’intérêt, leurs humeurs, jusqu’à leurs cacographies (“#omnubilé”, “#BonneChair”, etc.), offrant “un aperçu sur le comportement des utilisateurs et une alternative à faible coût engendrant des communautés” comme l’explique Benny Skogberg, architecte de l’information, en posant toutefois la question, à juste titre, de la nécessité ou pas de “gouverner” les tags folskonomiques.

À titre d’exemple, LinkedIn, repose sur un système de mots-clés et offre ainsi à l’internaute la possibilité d’étiqueter ses compétences professionnelles, lesquelles peuvent être ensuite approuvées et promues par son cercle professionnel. Ainsi pour “expérience utilisateur”, on trouve plusieurs tags : UX, ux (la casse importe), expérience utilisateur, conception expérience utilisateur, etc. Le choix est grand et le tâtonnement inévitable. Une sélection limitée de termes normalisés simplifierait la tâche, bien que plus coûteux et chronophage à mettre en place.

Conclusion

À l’instar de M. Jourdain, prosateur à son insu, nous sommes tous folksonomes, participant à enrichir quotidiennement bon an mal an la quantité faramineuse d’informations sérendipiennes s’offrant à nous.

Pas toujours évident pour les architectes de l’information d’instaurer une expérience qualitative alors que la main est donnée à tous. On peut toutefois se réjouir que la folksonomie soit par essence en accord avec la vision du Web de Tim Berners-Lee lorsqu’il imaginait un espace de partage basé sur des standards libres et ouverts.

Pour terminer, notons qu’une taxonomie servant à classifier, ranger des contenus et qu’un thésaurus servant à indexer des contenus avec des mots-clés, la folksonomie se rapproche plus de ce dernier et peut-être eut-il été plus judicieux de l’appeler : folksaurus !

https://www.aastudio.fr
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